Le Microbiome et le VIH

Sergio SERRANO

Hôpital Ramon y Cajal
Madrid, Espagne

Santiago Moreno, chef de service en maladies infectieuses

Santiago MORENO

Hôpital Ramon y Cajal
Madrid, Espagne

Le microbiote est devenu un sujet de discussion brûlant ces dernières années, avec la mise en évidence récente des fonctions importantes qu’il assure chez son hôte. Il joue un rôle essentiel dans la protection contre les agents infectieux et dans l’approvisionnement de l’hôte en nutriments essentiels. Il assure également l’instruction et la fonctionnalité du système immunitaire. La respiration elle-même est effectuée par des structures cellulaires originaires des bactéries en symbiose avec des cellules eucaryotes : les mitochondries. Le microbiome est donc impliqué dans de nombreuses situations. Les maladies infectieuses ne sont pas une exception à cette règle.

Il est donc plausible de s’attendre à ce que pour de nombreuses maladies qui ont été associées au microbiote, des changements dans les communautés microbiennes soient une conséquence, plutôt qu’une cause de l’état de la maladie. Il y a, cependant, un consensus émergent sur l’importance du rôle joué par le microbiote dans la pathogénèse de nombreuses maladies, pour la plupart relatives à la nutrition, au métabolisme, à l’auto-immunité et au cancer. Des études expérimentales et des essais cliniques destinés à modeler le microbiote aideront à définir si ce dernier contribue au développement d’une maladie ou s’il n’est tout simplement qu’un épiphénomène de cette maladie.

Nous nous sommes particulièrement intéressés aux interactions entre le microbiote et l’immunité des muqueuses, ainsi qu’à leur rôle dans le maintien d’une inflammation chronique, qui entraînent un processus de vieillissement altéré dans notre population de personnes vivant avec le VIH. Une question cruciale dans le domaine du VIH consiste à savoir si les anomalies du microbiote secondaires à l’infection par le VIH contribuent à un statut pro-inflammatoire. Ainsi, pour fournir des preuves expérimentales, nous évaluons les effets de différentes interventions visant à modeler le microbiote sur l’inflammation des individus infectés par le VIH, afin d’exercer des bénéfices à long terme sur l’immunité du tube digestif. Par exemple, nous évaluons l’efficacité et la tolérance de transplants de microbiote fécal répétés et à faible dose, en utilisant des selles encapsulées de donneurs, qui sont choisis en fonction de leur signature de microbiote.

Dans les années à venir le microbiote pourrait être utile dans la prise en charge de l’infection par le VIH. Le microbiote intestinal semble par exemple, contribuer de différentes façons à l’importance de la restauration immunitaire sous ART et est corrélé à l’inflammation – observations qui ouvrent de nouvelles perspectives pour des études ayant comme objectif de retrouver complètement l’état antérieur de santé. Les interactions entre les communautés microbiennes intestinales et le système immunitaire sont si solides que leur rôle est enquêté dans le contrôle spontané de l’infection par le VIH, en étudiant les rares populations d’Elite Contrôleurs. Le microbiote semble également affecter la réponse aux candidats-vaccins thérapeutiques contre le VIH. De plus, des changements dans le microbiote secondaires à l’infection par le VIH, pourraient expliquer l’augmentation de la susceptibilité à la tuberculose. En effet, il a été démontré que la présence de bactéries qui produisent des métabolites supprimant les réponses immunes spécifiques contre le Mycobacterium tuberculosis, pourraient prédire la susceptibilité à cette infection. La prévention contre le VIH est un sujet fascinant dans lequel le microbiote est révélé être un acteur important. Par exemple, le risque accru de contamination par le VIH des femmes d’Afrique du Sud est lié à l’augmentation de l’inflammation cervicovaginale, qui à son tour est alimentée par des changements spécifiques dans le microbiote. De façon similaire, l’effet protecteur de la circoncision dans le risque de transmission du VIH de la femme à l’homme pourrait s’expliquer par des changements du microbiote pénien. Finalement, certaines bactéries se sont montrées capables de cataboliser les médicaments antirétroviraux au niveau des muqueuses, ce qui influence le taux des médicaments antirétroviraux expliquant probablement les résultats divergents des études de PrEP.

Comme mentionné précédemment, le spectre des possibilités de la médecine basée sur le microbiote est très large dans le domaine du VIH. Une génération importante de scientifiques étudiant le VIH s’intéresse maintenant au microbiote et nous sommes convaincus que nous serons bientôt capables d’utiliser le microbiote  comme outil pour améliorer la prise en charge du VIH. Même si nous commençons tout juste à effleurer les causes et les conséquences de l’altération du microbiote à travers la santé et la maladie, des recherches significatives ayant le potentiel de changer la médecine moderne commencent à se concrétiser.