Vers la guérison du VIH : des données récentes qui redonnent espoir

Portrait de Christina Psomas

Christina PSOMAS

Montpellier University Hospital
Montpellier – France

Les traitements antirétroviraux combinés (cART) destinés aux patients infectés par le VIH-1 suppriment efficacement la réplication virale plasmatique en deçà du seuil de détection, améliorent la fonction immunitaire et diminuent le risque de morbidités au long cours. Cependant, les cellules infectées de façon latente persistent et par conséquent, la cART ne parvient pas à éradiquer le virus qui se remet à répliquer (rebond viral) 8 semaines en moyenne après l’arrêt de cART. Bien qu’une guérison stérilisante (éradication complète du VIH de l’organisme avec purge des réservoirs latents) du virus semble difficile à atteindre, une guérison fonctionnelle (virémie indétectable en l’absence de traitement, taux des lymphocytes T CD4 normal et stable, absence de progression clinique et de réplication virale dans les réservoirs latents) est théoriquement possible si nous parvenons à diminuer la taille du réservoir du VIH. Pour cela, il faut soit rendre les cellules non infectées résistantes au VIH, soit réduire le nombre de cellules infectées, soit éliminer le réservoir latent (« shock and kill »). Parmi ces solutions, la stratégie « shock and kill » semble la plus prometteuse ; le principe consiste à recourir aux agents de réversion de latence (LRAs) qui réactivent le virus et secondairement détruisent les cellules infectées de façon latente, via l’effet cytopathogène viral et la veille immunitaire. Malheureusement, des résultats récents montrent que les LRAs réussissent à induire la production virale VIH, sans pour autant réduire de façon significative la taille des réservoirs.

Globalement les stratégies actuelles ne sont pas spécifiques car les cellules infectées de façon latente sont plutôt rares et difficilement différentiables des cellules non infectées. Cet obstacle pour reconnaître les cellules infectées persistantes est une barrière majeure à la guérison du VIH. Elle pourrait être franchie grâce à la découverte récente de l’équipe de Monsef Benkirane au sujet de l’identification du CD32a en tant que marqueur de la cellule T CD4+ réservoir du VIH (B Descours, G PetitJean et al, NATURE 2017). Cette équipe a recherché une signature de l’expression génique qui pourrait différencier les cellules infectées de manière latente de celles non infectées. A l’aide d’un séquençage complet de l’ARN et d’analyses bioinformatiques, ils ont découvert que l’infection par le VIH façonne l’activité transcriptionnelle de la cellule hôte. En effet, les analyses statistiques ont révélé 111 différents gènes qui sont significativement plus exprimés dans les cellules infectées de façon latente, comparativement aux cellules témoins. Les analyses fonctionnelles ont révélé que la majorité de ces gènes sont impliqués dans la régulation de la production des cytokines et dans les réponses inflammatoires. Suite à l’expression de certains de ces gènes, 16 protéines transmembranaires de surface cellulaire ont été identifiées et sélectionnées pour une validation in vitro en tant que marqueurs d’infection latente dans les cellules mononucléaires du sang périphérique de 2 à 6 patients. FCGR2A était le gène le plus clairement exprimé dans les cellules T CD4+ quiescentes infectées par le VIH comparativement aux cellules témoins. Ce gène code pour le récepteur de faible affinité pour le fragment Fc des immunoglobulines G, le CD32a. Il est à noter que l’infection réplicative par le VIH des cellules T CD4+ activées n’induit pas l’expression CD32a, ce qui suggère qu’il existe un mécanisme dépendant de l’état latent qui serait requis pour son induction. Chez les patients infectés par le VIH sous cART le groupe de chercheurs a identifié une sous population de 0,012% de cellules T CD4+ qui expriment le CD32a et abritent jusqu’à 3 copies de l’ADN du VIH par cellule. Ce réservoir CD32a+ est hautement enrichi en provirus réplicatifs et inductibles, identifiés par la qVOA (quantitative Viral Outgrowth Assay) et les tests d’induction virale. Bien que le CD32a ne caractérise pas l’ensemble du réservoir cellulaire T CD4+, il remplit les critères nécessaires d’un biomarqueur du réservoir fonctionnel (abritant les provirus réplicatifs).

Les perspectives qui émergent de cette découverte majeure constituent un challenge vraiment passionnant. Serons-nous capables de développer des stratégies qui auront comme objectif d’éliminer le réservoir cellulaire T CD4+ CD32a+, envisagées en tant qu’approche alternative ou complémentaire des stratégies existantes vers la guérison du VIH ? Peut-être, mais il est certain que nous disposons dorénavant d’un nouvel angle d’approche pour étudier la diversité virale et cellulaire du réservoir de VIH à l’échelle cellulaire, mais également pour déterminer la distribution des virus défectueux, réplicatifs et inductibles au sein des réservoirs cellulaires.