Comment traiter l’obésité chez les patients infectés par le VIH ?

Valérie Pourcher, membre du comité Isheid

Valérie POURCHER

Hôpital de la Pitié Salpétrière
Paris – France

Les patients infectés par le VIH ont actuellement une espérance de vie prolongée et peuvent développer des problèmes d’obésité. Cette prise de poids est corrélée à l’amélioration de l’état de santé due à la baisse de la morbidité liée au VIH, combinée à un prolongement de la durée de vie et à une meilleure qualité de vie, tendances également constatées chez la population générale.

Neuf à trente-sept pour cent (9-37%) des populations américaine et française vivant avec le VIH souffrent de surpoids/obésité. En ce qui concerne la population générale, plusieurs études ont montré une forte corrélation entre l’obésité et l’augmentation du taux de mortalité, des maladies cardiovasculaires et métaboliques et des néoplasies, en particulier chez les patients qui ont un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 35kg/m². Depuis plus de 10 ans, les comorbidités telles que le diabète, la résistance à l’insuline, la maladie coronaire, l’hypertension artérielle et les néoplasies ont été étudiées dans la population non obèse infectée par le VIH, mais très peu de données sur les comorbidités sont disponibles chez les patients obèses infectés par le VIH.

La chirurgie bariatrique est considérée comme la meilleure option thérapeutique de l’obésité morbide (IMC >40 kg/m2 ou >35 kg/m2 avec comorbidités) selon les recommandations françaises et internationales concernant la population générale. Trois méthodes chirurgicales sont actuellement utilisées : la gastroplastie par anneau gastrique (méthode purement restrictive), l’anastomose (by-pass) gastro-jéjunale (méthode restrictive et malabsorptive) et la sleeve gastrectomie (méthode restrictive et endocrine). Ce dernier type de chirurgie est associé à une perte de poids persistante, à une baisse globale de la morbidité et de la mortalité et plus particulièrement à la résolution des problèmes de diabète et de dyslipidémie. Comparé au by-pass gastrique, la sleeve gastrectomie préserve la continuité digestive et entraîne moins de malabsorption, de carences vitaminiques et de complications (diarrhée, syndrome de dumping gastrique ou vidange gastrique rapide, occlusion et complications tardives) permettant une meilleure qualité de vie lors du suivi à court et long termes.

Malgré les bénéfices essentiels de la chirurgie dans la population générale et une prévalence importante de l’obésité chez les sujets infectés par le VIH, peu de données sont disponibles concernant les procédures bariatriques chez les patients obèses infectés par le VIH. Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour la chirurgie bariatrique chez les individus vivant avec le VIH. Toutes les études sont rétrospectives et seulement trois d’entre elles portant sur 1, 3 et 8 individus rapportent l’utilisation de la sleeve gastrectomie. De plus, la réalisation d’une méthode malabsorptive pourrait avoir un impact sur l’absorption des médicaments antirétroviraux avec un risque potentiel d’échec virologique. Quelque soit la méthode bariatrique utilisée, la pharmacocinétique du traitement antirétroviral (cART – combination AntiRetroviral Therapy) et de la charge virale (ARN) VIH plasmatique doivent être évaluées avant et après la chirurgie afin d’adapter la posologie et éviter ainsi l’échec virologique.

En ce qui concerne les sujets infectés par le VIH, nous devons choisir une procédure sûre, sans perturber la continuité intestinale, en évitant l’implantation de corps étrangers qui pourraient entraîner une malabsorption réduite et ayant une efficacité persistante sur la perte de poids. La sleeve gastrectomie apparaît comme une technique émergente pour le traitement contre l’obésité entraînant une perte de poids rapide et satisfaisante sans malabsorption. Elle pourrait être considérée comme la meilleure option chez les patients infectés par le VIH, comme démontré dans une méta-analyse récente. La gestion optimale des patients infectés par le VIH et atteints d’obésité morbide pourrait inclure une méthode chirurgicale classique, tout comme chez les patients obèses non atteints par le VIH, avec un suivi thérapeutique pharmacologique étroit ainsi qu’un suivi immunovirologique, mais des études prospectives supplémentaires sont nécessaires.